Construction et épuisement des ressources ? La difficile équation

Le secteur de la construction dans le monde représente 50 % de la facture énergétique, 35 % de la consommation en eau, 33% des émissions de Carbone et 50 % de la consommation de matériaux et matières premières. On peut donc imaginer sans effort que le bâtiment est, va ou doit être confronté une grave crise de conscience. Il n’est plus possible de construire le flux de bâtiments neufs « business as usual » c’est l’objet de la future réglementation environnementale RE2020 en France. Et le stock existant ne peut pas continuer à être exploité sans prendre conscience de sa responsabilité ou envisager sa résilience climatique.

En réduisant la facture énergétique des bâtiments, on contribue efficacement à lutter contre le dérèglement climatique mais ce n’est désormais plus suffisant. L’action doit aussi s’intégrer dans une vision plus large. Au-delà de la consommation d’énergie, le risque de raréfaction des ressources naturelles non renouvelables nécessaires à la construction est bien présent et constitue le prochain enjeu à relever.

Depuis le début du 20ème siècle, la demande en minerais a été multipliée par 27. Les gisements métalliques à la base de notre économie moderne auront pour l’essentiel été consommés d’ici 10 ans. On estime d’ores et déjà à 2025, la fin du Zinc, 2030, la fin du Plomb et 2040 la fin du Cuivre… Sans parler de l’Argent, du Lithium et de l’Etain…

Parallèlement, environ 50 milliards de tonnes de sable et sont extraits chaque année des fonds marins. C’est la deuxième matière la plus consommée dans le monde après l’eau, et loin devant le pétrole. Dans le monde, deux constructions sur trois sont en béton. Or le sable est le 1er ingrédient du béton. De même, il représente 65% de la composition des vitrages. La pression sur cette industrie est telle qu’elle est responsable en grande partie du recul massif des plages dans le monde. Ceci est sans compter l’impact local sur la biodiversité des fonds marins où il est prélevé et l’augmentation du commerce illégal compte tenu de sa disparition faute de renouvellement.

Partant de ces constats, il est légitime de se poser la question suivante : est-il responsable de continuer à utiliser autant de béton et de métaux dans la construction ? Tout n’est pas remplaçable. Les infrastructures peuvent difficilement être construites autrement qu’en béton et la durabilité en plus de la recyclabilité des produits en acier et aluminium est incontestable. Ces produits ont donc encore de beaux jours devant eux. La solution repose à mon sens sur plus de mixité favorable à l’éclosion de filières de production responsables. A la fois dans les filières traditionnelles : généralisation des agrégats recyclés, des « bio-bétons », recyclage du verre pour les produits verrier, augmentation de l’aluminium recyclé…. Mais aussi via l’émergence rapide et désirée d’alternatives biosourcés locales et pourvoyeuses d’emplois.

La raréfaction des matières premières doit aussi nous interroger sur notre utilisation de ces matières premières. Les utilise-t-on à leur juste durée de vie, ne fait-on pas comme avec l’alimentation un gaspillage massif de nos ressources ? Nous avons évoqué dans une précédente chronique, la responsabilité du secteur en matière de déchets. En France c’est 42 millions de tonnes produit par la construction dont 20 millions uniquement sur le Grand Paris.

Les gisements ne se trouveraient-ils pas désormais dans nos déchets ? C’est le cas des métaux précieux et rares dans nos déchets électroniques (DEEE). Coté produits du bâtiment, un bonne partie des déchets DIB produits (25% des 42 millions de tonnes) possèdent encore de la valeur qu’il serait responsable et économique de continuer à exploiter. Côté vendeur, les professionnels du bâtiment qui donnent une seconde vie à des matériaux et des équipements de construction économisent les coûts de traitement des déchets en les transformant en valeur économique. Côté acheteur cela permet de profiter de matériaux et d’équipements de construction à un prix compétitif, d’une décote qui peut atteindre 50 à 70% du neuf. Il y a là de nouvelles équations économiques à élaborer… Les freins culturels et assurantiels sont encore trop nombreux pour réussir à généraliser cette pratique de bon sens. Espérons que la nouvelle loi sur l’Economie Circulaire permettra de les accélérer et les intensifier.

Enfin, utilise-t-on nos m² à leur maximum d’intensité d’usage ? Ne serait-il pas responsable de mieux rentabiliser cette utilisation de ressources ? Pourquoi démolir lorsqu’on peut réhabiliter, intensifier et redonner des années d’utilisation aux m² déjà existants ? le surcout est souvent avancé comme un frein à ces démarches. C’est surement vrai dans une vision court-termiste. Encourageons et favorisons les acteurs du plus long terme.

Reculons d’un pas pour mieux changer de perspective ?

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