La réalité Carbone de la construction : de l’importance du capital ressources

Rappelons quelques chiffres : le bâti ou les produits et matériaux mis en œuvre dans la construction des bâtiments représentent plus de 60% des impacts Carbone d’un m² sur 50 ans. Avec l’amélioration des connaissances et le développement de bâtiments performants, ce ratio peut même monter à 75%, notamment dans les immeubles tertiaires.

Ce constat sous-entend logiquement qu’une fois le bâtiment construit et livré, plus de la moitié de ses émissions ont déjà été majoritairement émises. Il n’est donc plus possible de les éviter ni de les réduire pendant la vie en œuvre de l’ouvrage. C’est ce qu’on peut appeler le capital ressources.

Avec l’amélioration de la performance énergétique et le recours aux énergies renouvelables, nous sommes sensibilisés depuis 1974 en France, date de la première réglementation thermique, à limiter l’impact de la consommation énergétique des bâtiments. Le travail est quasiment finalisé avec les bâtiments BBC (Bâtiment Basse Consommation), passifs ou même BEPOS (Bâtiment à Energie POSitive). En tertiaire la performance énergétique va tellement loin qu’on arrive à faire des bâtiments sans chauffage ni climatisation. L’impact carbone de l’exploitation est donc quasi nul. Outre l’économie sur les équipements techniques, il a fallu pour se faire probablement épaissir les façades et utiliser des matériaux à forte inertie. Ces choix ont vraisemblablement conduit à augmenter le bilan carbone de la construction et donc son capital ressources. Ce principe de transfert illustre l’importance d’une vision globale de l’impact d’un m² construit – Construction – Exploitation – Durabilité pour repousser au maximum la fin de vie du produit.

A l’heure de la hausse des prix des matières premières et de l’énergie non renouvelable, le bâtiment neuf doit être conçu pour repousser au maximum son obsolescence et éviter sa démolition prématurée. Il doit « rentabiliser » son capital ressources. Le bâtiment à rénover voir à réhabiliter doit prendre conscience de son capital ressources et élaborer un périmètre de travaux propre à ne pas le gâcher. Au contraire il doit capitaliser sur ce capital intrinsèque pour développer un programme ambitieux et innovant.

D’expérience, le retour sur « investissement carbone » dans le cas d’une construction neuve est d’environ 40à 50[1]ans. Dans le cas d’une réhabilitation lourde, il est d’environ 25 ans[2]. Cela veut dire que tous travaux réalisés avant ces échéances viendront augmenter la dette carbone du m² et en conséquence dégrader son capital ressources.

Les cycles immobiliers nous montrent une réalité tout autre, notamment dans l’immobilier tertiaire. Bien heureux celui en capacité de prédire les usages de demain et les évolutions sociétales qui construiront les programmes immobiliers à venir. Chaque développeur fait un pari sur la conformité à l’usage des m² dans le temps. L’évolution des modes de travail et d’habiter sont en permanence bouleversés et les crises sanitaires les accentuent.

L’enjeu de réduction de l’impact des matériaux mis en œuvre ou l’embodied carbon et de préservation du capital ressources vont permettre d’enfin développer des solutions fiables et concrètes pour l’évolutivité pérenne des espaces et anticiper la fin de vie pour favoriser le réemploi. Car si le capital ressources n’est pas conservé sur le bâtiment pour lequel il a été utilisé, il peut tout à fait servir les intérêts d’un nouvel ensemble et ainsi contribuer à développer une boucle vertueuse d’économie circulaire dans l’immobilier.


[1] Durée après laquelle les économies Carbone engendrées par la construction d’un immeuble neuf au standard RT2012 compense les émissions Carbone émises par l’acte de construire.

[2] Durée après laquelle le économies Carbone engendrées par la réhabilitation compense les émissions Carbone émises par l’acte de réhabiliter.

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